La fourmi ayant versifié tout l’été Se mit en quête d’un théâtre pour l’hiver. La cigale ayant joué toute l’année prît ses quartiers pour chanter. Elle invita son frère fourmi pour jouer.
Rassurez-vous, François Mougenot a l’âme d’un poète et ses rimes, quoique insolentes, ont le nombre de pieds réglementaires. Petit garçon, François apprît La cigale et la fourmi de Jean de la Fontaine, le célèbre fabuliste, moralisateur dans ses fables. Pour ses contes, il en usait tout autrement. Jean de la Fontaine puisa largement son inspiration chez le bon Esope. François Mougenot se livre à un exercice de style fort réjouissant, en droite ligne d’une tradition, le pastiche. Mais surtout, notre talentueux pasticheur répare une justice séculaire. La fourmi n’est pas prêteuse, soit, mais elle n’est pas radine : elle trime dur et avec l’euro, deux fois plus. La cigale est une intermittente du spectacle et ne peut plus mettre de côté le moindre petit vermisseau. François Mougenot a décliné « La Cigale et la Fourmi » à la manière de Racine, Molière, Shakespeare, Lamartine, Feydeau, Ronsard. Ne croyez pas qu’il soit passéiste puisque nos deux insectes se frottent les élytres à la mode Pagnol, Audiard et même Columbo, et « les Feux de l’amour » inspirent nos hyménoptère et hémiptère. La Fourmi et la Cigale est une pièce follement drôle où nous retrouvons notre âme d’écolier. On se pique au jeu de reconnaître les célèbres plagiés. Les cancres seront également les bienvenus et s’amuseront. Il est hautement éducatif de voir deux insectes de 1m80 se livrer à un duel littéraire. Cigalicus (Racine) a intérêt à faire son compte d’hiver, (Shakespeare ) sous peine d’être sermonné par la Fourmisanthrope, (Molière) emprisonné pour Meurtre en la bémol par Columbo ! La Fourmi et la Cigale, faute de danser, chantent sur des couplets concoctés par Jacques Mougenot. Jacques est la cigale, François la fourmi. Les deux frères se renvoient la réplique avec une complicité communicative. Il faut souligner leur performance car dire des pastiches n’est pas un exercice aussi aisé que cela, il faut prendre garde de ne pas se laisser happer par l’original. Fourmidablement intelligent, cigalement réjouissant, ce spectacle subtil est un enchantement de l’esprit. Il est fort rare qu’à l’issue d’un spectacle nous ayons le désir de le revoir très vite. On peut achever le livre afin de se régaler de ces pastiches tournés le plus adroitement du monde. Cet exercice est, comme le dirait “Cygalo de Bergerac”, plein de panache.
Marie-Laure Attinault
Webthea.com, 10 janvier 2007