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La fourmi ayant versifié tout l’été Se mit en quête d’un théâtre pour l’hiver. La cigale ayant joué toute l’année prît ses quartiers pour chanter. Elle invita son frère fourmi pour jouer.

Rassurez-vous, François Mougenot a l’âme d’un poète et ses rimes, quoique insolentes, ont le nombre de pieds réglementaires. Petit garçon, François apprît La cigale et la fourmi de Jean de la Fontaine, le célèbre fabuliste, moralisateur dans ses fables. Pour ses contes, il en usait tout autrement. Jean de la Fontaine puisa largement son inspiration chez le bon Esope. François Mougenot se livre à un exercice de style fort réjouissant, en droite ligne d’une tradition, le pastiche. Mais surtout, notre talentueux pasticheur répare une justice séculaire. La fourmi n’est pas prêteuse, soit, mais elle n’est pas radine : elle trime dur et avec l’euro, deux fois plus. La cigale est une intermittente du spectacle et ne peut plus mettre de côté le moindre petit vermisseau. François Mougenot a décliné « La Cigale et la Fourmi » à la manière de Racine, Molière, Shakespeare, Lamartine, Feydeau, Ronsard. Ne croyez pas qu’il soit passéiste puisque nos deux insectes se frottent les élytres à la mode Pagnol, Audiard et même Columbo, et « les Feux de l’amour » inspirent nos hyménoptère et hémiptère. La Fourmi et la Cigale est une pièce follement drôle où nous retrouvons notre âme d’écolier. On se pique au jeu de reconnaître les célèbres plagiés. Les cancres seront également les bienvenus et s’amuseront. Il est hautement éducatif de voir deux insectes de 1m80 se livrer à un duel littéraire. Cigalicus (Racine) a intérêt à faire son compte d’hiver, (Shakespeare ) sous peine d’être sermonné par la Fourmisanthrope, (Molière) emprisonné pour Meurtre en la bémol par Columbo ! La Fourmi et la Cigale, faute de danser, chantent sur des couplets concoctés par Jacques Mougenot. Jacques est la cigale, François la fourmi. Les deux frères se renvoient la réplique avec une complicité communicative. Il faut souligner leur performance car dire des pastiches n’est pas un exercice aussi aisé que cela, il faut prendre garde de ne pas se laisser happer par l’original. Fourmidablement intelligent, cigalement réjouissant, ce spectacle subtil est un enchantement de l’esprit. Il est fort rare qu’à l’issue d’un spectacle nous ayons le désir de le revoir très vite. On peut achever le livre afin de se régaler de ces pastiches tournés le plus adroitement du monde. Cet exercice est, comme le dirait “Cygalo de Bergerac”, plein de panache.

Marie-Laure Attinault
Webthea.com, 10 janvier 2007

Les Echos

L’heure du pastiche L'heure du pastiche sonne à 21 heures. Il se consomme dans une petite salle des Batignolles. Sa marque : « La Fourmi et la Cigale ». Son bouilleur de cru s'appelle François Mougenot. Cet homme est auteur-comédien et se produit en scène avec son frère Jacques.

Rien de plus dissemblables que ces deux frères. François, hâve, maigre, le cheveu ras, l'oeil noir, interprète généralement les méchants, les traîtres, les avares, les calculateurs, en un mot : les fourmis. Jacques, rond, le teint coloré, le cheveu en panache, l'oeil rieur, incarne de préférence les gentils, les insouciants, les bons vivants, les paresseux, en un mot : les cigales. Mais la règle du jeu peut quelquefois changer puisque, dans le pastiche, la couleur du breuvage varie selon les auteurs sollicités et peut exiger des changements de rôles. Sous-titrée « Variations sur un air connu », la pièce constitue une énorme paraphrase de « La Cigale et la Fourmi ». A chaque service, l'on nous verse la même chose, qui n'est jamais la même puisque la situation de la célèbre fable de La Fontaine est réinventée, cassée, malaxée, tripatouillée, réécrite dans le style d'un autre auteur. Mougenot va même jusqu'à commencer par un pastiche de La Fontaine par... La Fontaine, en imaginant une autre version de la fable. Puis, jouée en solos ou en duos, voici l'histoire de l'économe et de la dispendieuse dans le style de Du Bellay, Ronsard, Molière, Hugo... Souvent, la réinvention oppose un ténor et un banquier, qui sont les transpositions les plus immédiates des deux insectes de La Fontaine. Mais, pour la parodie de Racine, la scène met en présence un riche seigneur et un pique-assiette nommé Cigaliccus... L'esprit des Frères Jacques. On ne livre pas le nom de l'auteur imité. Au spectateur de le deviner, en piochant dans ce qui lui reste de ses humanités. L'affaire pourrait tourner au plaisant divertissement de lettrés. Mais François Mougenot s'est soucié d'un public plus large et plus jeune. Tout à coup, les séries de télévision entrent dans la danse. La fable devient un sordide et haletant épisode des « Feux de l'amour » ou bien - sommet de la soirée - la fourmi prend l'apparence de l'inspecteur Columbo venant cuisiner et recuisiner le ténor Cigalotti soupçonné du meurtre de son banquier. Le spectacle de ces vrais frères amis fait penser, non par les moyens mis en oeuvre mais par l'esprit, aux récitals de feu les Frères Jacques, qui, eux, étaient de faux frères. Ils déclenchent, en tout cas, les mêmes cascades de rires. Il y a le même sérieux imperturbable dans le travestissement comique de la vie et des références culturelles. Et cette méticulosité roublarde est explosive. L'heure du pastiche est, rappelons-le, à 21 heures.

Gilles Costaz
Les Echos, 8 janvier 2007

Le Parisien

« La Fourmi et la Cigale » est une belle pièce montée de « pasticheries » ou, si l'on préfère, un recueil de malicieux « à la manière de » sur le thème de « la Cigale et la Fourmi ».

L'auteur, François Mougenot, s'est emparé des deux personnages de La Fontaine pour imaginer le traitement que leur auraient réservé une trentaine d'auteurs célèbres. De Molière, voici par exemple « l'Ecole des cigales », de Shakespeare, « Un compte d'hiver », et de Rostand, « Cygalo de Bergerac ». Même si l'on ne retrouve pas toujours les sources, on s'amuse parce que chaque texte est drôle en soi. Ajoutons qu'en dehors de grands classiques il y a des pastiches de « Columbo », des « Tontons flingueurs » ou des films de Pagnol que tout le monde peut reconnaître. D'autant que tous ces textes sont dits et joués par François Mougenot et son frère Jacques, tous deux bons comédiens et, à l'occasion, spirituels imitateurs...

André Lafargue
Le Parisien, vendredi 15 décembre 2006

Le Figaro

Fantaisistes et charmeurs Ils sont deux, sur un plateau nu drapé de noir, le plateau de poche du Théâtre Hébertot. Deux hommes qui nous enchantent d'un délicieux spectacle, enjoué et malin, qui illumine ces soirées de frimas d'une fantaisie charmeuse.

Deux hommes sur une balançoire de langage, qui nous expédie au ciel de la littérature, avec une insolence pleine d'esprit. C'est très drôle, très accessible et cela s'adresse aux aînés comme aux plus jeunes. Pas mal ! Un spectacle simple et d'une finesse extrême qui joue de variations sur des textes très connus, poèmes que l'on a tous appris à l'école ou parodies désopilantes de feuilletons télévisuels célèbres. On ne vous dira pas tout, car une partie du plaisir tient à quelques scènes tout à fait inattendues et d'une cocasserie formidable. Tout commence, ainsi que le titre du spectacle l'indique, par La Fourmi et la Cigale d'après ce bon La Fontaine. Et cela commence très fort car l'on vous démontre d'entrée que le fabuleux fabuliste ne connaissait rien, mais rien de rien aux usages de nos amies les bêtes... François Mougenot, Monsieur Fourmi, sombre et assez taciturne, est l'auteur de ces exercices de style (s) qui empruntent à Molière, Du Bellay, Racine, Ronsard, Verlaine, Lamartine, Victor Hugo, Rostand et beaucoup d'autres. Face à lui, plus hâbleur et expansif, Monsieur Cigale, Jacques Mougenot, qui signe la mise en scène. Un duo fraternel parfaitement accordé et très talentueux. En fait, s'il fallait circonscrire le propos de François Mougenot, on pourrait dire que c'est comme si la cigale et la fourmi, ne se contentant pas du seul La Fontaine, avaient fait appel à d'autres plumes pour vider leur fameuse querelle... Ne vous fiez pas aux premières pages qui semblent curieusement un peu laborieuses. Or le spectacle s'envole très vite et ne cesse de rebondir, efficace et souvent burlesque, frôlant la folie la plus débridée parfois. C'est qu'au-delà de la prouesse parodique les deux interprètes sont excellents. Deux acteurs sensibles, intelligents, enjoués. Ils sont vifs, mobiles, ils ont plus d'une corde à leurs arcs et chantent très bien. Ils se tiennent aux frontières du cabaret et du théâtre, sur ce fil où sont les acrobates et les poètes. Applaudissons !

Armelle Héliot
Le Figaro, 29 décembre 2006

Le Canard Enchaîné

On doit déjà à Jacques Mougenot une inénarrable conférence sur un tableau fait de rien, de zéro, un tableau vide : le comble de l'art. C'est une fourmi rouge qui a cette fois piqué son frère François : celle de la fable de La Fontaine, cette garce au coeur sec, prête à laisser crever la charmante striduleuse sans verser une larme.

Et il la voit partout. Chez Molière, à l'enseigne de « L'école des femmes ». Chez du Bellay, au pied de son petit Liré. Chez Racine, dans l'antichambre de « Britannicus » : « Nous faudra-t-il encore aux langueurs des cigales / Opposer les vertus d'une ardeur sans égale ? » Chez Ronsard, le soir au coin du feu. Lamartine retentit du chant de sa cigale : « Que la radio qui geint, la télé qui martèle / Que chaque baladeur où mes airs sont stockés / Que tout ce qu'on écoute en boucle et à la pelle / Tout dise : Elle a chanté. » Hugo lui consacre une page historique de « La légende des siècles ». Pas un poète, on l'ignore trop, qui ne se soit fait l'écho de leur dispute. Baudelaire : « Souvent, pour s'amuser, les fourmis d'hivernage. » Verlaine : « Je suis venue, calme cigale... » Apollinaire : « Vienne l'hiver, sonne l'heure / Tu déchantes je demeure... » Pas un homme de théâtre : Molière dans le « Fourmisanthrope ». Shakespeare dans « Un compte d'hiver ». Mais aussi Beaumarchais, Labiche, Feydeau dans « Un grain à la patte ». On n'a pas oublié la célèbre tirade de Rostand : « Ah non ! C'est un peu court, fourmi ! » Plus près de nous, les rivales ont inspiré Jacques Prévert : « Il est pénible le bruit de la cigale qui ne fait rien de la semaine. » Sans oublier les gens de cinéma : Jean Renoir, qui, avec la complicité de Georges Van Parys, a retrouvé les irréductibles ennemies poursuivant leur baston sur les escaliers de la Butte : « Fourmi ma voisine / Oublie ta lésine / Et me donne un grain ». Michel Audiard, qui a cartonné dans ses célèbres « Fourmis flingueuses ». Marcel Pagnol, qui en a fait une fable provençale, « Cigalou ». Les gens de télévision, à qui rien n'échappe, s'y sont mis à leur tour, à commencer par le lieutenant Columbo, remarquable dans « Meurtre en la bémol ». Puis les feuilletonistes n'ont pas raté les cousines germaines de la mouche du coche. C'est ainsi qu'on retrouve les deux insectes travestis en Mike et Dave dans « Les grains de l'amour », qui ont fait le tour de la planète, La verve. l'inventivité, la fantaisie de François Mougenot sont inépuisables. Son art de se couler dans les chefs-d'œuvre de ses illustres prédécesseurs est digne du Paul Reboux d' « A la manière de... ». Et comme les deux frangins complices ont le talent qu'il faut pour s'engueuler avec malice au fil de cette querelle aussi éternelle qu'insoluble, on passe une excellente et courte soirée. Qu'est-ce qu'il prend, l'hyménoptère radin, chez les saltimbanques !

Bernard Thomas

La Jaune et la Rouge

On rencontre des gens qui vont au théâtre pour s’imbiber de grands sentiments et communier à l’exaltation des droits de l’homme. D’autres, ou les mêmes, avec le dessein de se vivifier l’intellect en participant à la pensée post-moderne.

Certains pourtant y vont tout bonnement pour passer un moment agréable, ce qui ne les empêche pas, loin de là, de savourer un éventuel déploiement d’intelligence. A ces derniers, et j’en suis, je recommanderai un spectacle éblouissant de finesse et d’esprit : La fourmi et la cigale, joué au Petit Hébertot par l’auteur François Mougenot et son frère Jacques, qui l’a mis en scène. Sous vos yeux, ils donnent vie à des pastiches d’auteurs familiers du public éclairé, bâtis autour du thème, connu depuis Esope, de la rencontre entre la pingre fourmi et l’insouciante cigale. Pour la première fois peut-être dans l’histoire du théâtre, le genre littéraire « pastiche » se voit porté sur la scène et, croyez-moi, le résultat vaut son pesant d’orviétan. Existent deux sortes de pastiches, que notre auteur manie d’ailleurs avec autant d’adresse l’une que l’autre. Dans la première, le pastiché est ouvertement moqué, façon Paul Reboux, ou même Proust se payant la figure de Flaubert. La seconde, respectueuse du pastiché, mobilise son style et sa sensibilité pour évoquer une situation amusante, ou ridicule. Cas, par exemple, de Curtiss dans deux livres merveilleux : La Chine m’inquiète, sur les événements de Mai 68, et La France m’épuise, sur les élections de 81. François Mougenot soumet le père Hugo à la moulinette de son ironie et l’on entend son frère déclamer une splendide envolée d’une centaine d’alexandrins tirés de La Légende des siècles, où il est dit comment une cigale, pareille à un pauvre chevalier du Graal, poursuivit l’interminable quête d’un mythique grain de mil, mais à la fin... La fourmi répondit en tournant les talons : « C ‘est du Victor Hugo. Il faut que ce soit long. » Dans le même genre, on assiste aussi à une mauvaise saga de télévision où Mike (la fourmi), verre de whisky à la main, et Dave (la cigale) s’invectivent puis se réconcilient avec grandiloquence à propos d’une sombre histoire d’amour, à quoi l’on ne comprend rien comme il se doit mais peu importe : la charge émotionnelle des mots et la perspective d’un prochain épisode suffisent à soutenir l’attention du spectateur. Et puis, il est tout de même question pour Dave (la cigale) de tenter sa chance dans un dancing. L’auteur sait encore nous amuser sans manquer de respect pour ses illustres prédécesseurs : vous entendez donc cigale et fourmi dialoguer dans les langues de Racine, Molière, Shakespeare (habilement traduit), Labiche, Feydeau, Pagnol, Audiard et quelques autres. Pas seulement dans le langage d’ailleurs, mais aussi dans l’atmosphère propre à chacun d’entre eux. Cela est particulièrement saisissant dans le cas de Pagnol: la cigale entre dans le bistrot tenu par la fourmi, et elles causent, elles causent, de tout et de rien, de la devanture repeinte de frais, du chant de la cigale, pas de la musique de juke-box, de la vraie musique, de la musique naturelle, celle qui fait venir la clientèle, affirme-t-elle. Et comme la fourmi croit plutôt à la vertu de sa façade neuve pour attirer les chalands, la conciliante cigale conclut: Les deux. Le visuel les attire et 1 ‘auditif les retient. Du pur Pagnol ! L’entretien se prolongeant, la fourmi voudrait bien mettre la cigale à la porte. La cigale proteste: Ecoute-moi, que je t ‘essplique ce que je viens faire ici. — Mais je le sais bien, Cigalou, ce que tu viens faire ici. Tu viens manger une soupe de poisson à l’oeil. Bon, allez, viens à la cuisine I Je vais t ‘en faire réchauffer une assiette. La seule histoire de cigale et de fourmi de tout le spectacle qui se termine bien: du pur Pagnol aussi! Avec les frères Mougenot, le temps passe vite et sont hélas trop tôt achevées ces deux petites heures d’humour des idées, d’intelligence du texte et de maîtrise du métier. A propos de sûreté de métier, je me dis qu’il est permis d’y voir le bienfait de la formation reçue par les deux comédiens à l’école de Jean-Laurent Cochet, dont ils furent l’un et l’autre élèves et même, dans le cas de Jacques, assistant. Il faut savoir que M. Cochet modèle ses élèves en leur faisant d’abord dire des fables de La Fontaine. Le résultat est éblouissant. De sorte que l’on ne peut s’empêcher de regretter que notre présente Education (?) nationale ne fasse plus apprendre ces courts textes aux petits Français. Que voilà une leçon de bien parler dont la rue de Grenelle devrait s’inspirer!

Philippe Oblin (46)
La jaune et la Rouge, février 2007

L'Homme Nouveau

Dans un pastiche de talent, les frères Mougenot s'attaquent à nos meilleurs écrivains et poètes. Un spectacle d'une grande qualité où leçon de morale et rire se côtoient avec art et brio.

François Mougenot mérite un hommage tout particulier au milieu du fatras très inégal de tant de productions théâtrales, là lorsque repérer le bel ouvrage n'est pas forcément plus aisé pour la critique que pour le grand public. Quand on se tient soigneusement à l'écart du susurrement médiatique, que l'on cherche à allier, selon la belle devise des classiques, ce qui instruit et ce qui plaît, même parfois de manière provocante, il n'est pas facile de se frayer un chemin vers ce qui rend meilleur ou tout au moins incite à penser et à chercher ce qui est bon. Le théâtre est une école de la vie et il est heureux d'y rencontrer de vrais auteurs et interprètes. Avec La Fourmi et la Cigale, François et Jacques Mougenot nous offrent un spectacle qui est avant tout une belle manière de rendre hommage à la langue française. Je pense même que c'est l'intention principale de cet ouvrage. Et c'est réussi ! Avec un don de pasticheur qui inscrit François Mougenot dans la lignée des grands de ce genre, nous écoutons, sur cette querelle fort singulière qui n'a pas fini de faire couler son encre, une quarantaine de pastiches de nos meilleurs écrivains et poètes. Un régal de style, où Molière côtoie Shakespeare, Racine, mais aussi Beaumarchais, Labiche, Feydeau, Rostand sans oublier les savoureuses confrontations avec les vers de Du Bellay, de Ronsard, de Baudelaire, d'Hugo... et quelques clins d'œil au cinéma contemporain. L'intérêt du pastiche est dans la variation du ton. La qualité de la diction entraîne là une virtuosité de l'acteur qui honore ainsi le très exigeant travail du comédien. Ce n'est pas sans raison que ce spectacle s'inscrit dans la tradition de l'une des meilleures écoles françaises actuelles de théâtre, celle de Jean-Laurent Cochet, où Jacques Mougenot enseigna pendant dix-huit ans. La fourmi et la cigale, quel drôle de couple ! Mais quelle leçon aussi d'économie et de bien vivre, si peu éloignée de ce réalisme pratique dont ses contemporains reprochaient à La Fontaine de manquer, lui, le rêveur. Pas si rêveur que cela, celui qui écrivait à Monseigneur le Dauphin, futur Louis XV, âgé de six ans, ces quelques lignes de la préface de ses Fables: « Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables: car que peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? (…) Ésope a trouvé un art singulier de les joindre l'un avec l'autre : la lecture de son ouvrage répand insensiblement dans une âme les semences de la vertu, et lui apprend à se connaître sans qu'elle s'aperçoive de cette étude, et tandis qu'elle croit faire tout autre chose. » Sans en avoir l'air, en nous divertissant, Jacques et François Mougenot signent au Petit Hébertot une belle leçon de théâtre, en nous faisant partager ce texte si savoureux, à goûter sans modération.

Pierre Durrande
L’homme Nouveau, 6 janvier 2006

L'Echo de Dordogne

Une belle soirée de détente. Mardi soir au Jardin des Enfeus a eu lieu la représentation de la pièce « La fourmi et la cigale » de François Mougenot avec une mise en scène de Jacques Mougenot.

François Mougenot a eu l’idée de décliner une des fables les plus connues de Jean de La Fontaine, « La cigale et la fourmi », en utilisant des textes de poètes tels que Du Bellay, Victor Hugo, Rimbaud, des auteurs de théâtre Molière, Racine, Pagnol, en passant par des scénaristes Audiard et même des séries de TV américaines « Les feux de l'amour, Columbo ». Ainsi on passe de la Fourmisanthrope à Cigalou, Cigalo de Bergerac, Luciano Cigalotti et bien d'autres. L'imagination ne lui manque pas. Avec son frère Jacques, l'auteur acteur fait vivre tous ces personnages avec beaucoup d'humour. Les spectateurs rient, applaudissent à certaines phrases du type « si on faisait danser les rapiats, tu ne serais pas dans l'orchestre». Le thème de la fable (les partisans de l'appât du « grain » contre les dispendieux) sert de fil d'Ariane à tour le spectacle. On assiste à un numéro d'acteur rompus à tous les registres du répertoire. Le temps était beau, les spectateurs enthousiastes et très nombreux. Le Festival est bien parti.

M. L. (CLP)
L’Echo de Dordogne, 25 juillet 2007

A Nous Paris

TRÈS CHOUETTE !

Avis aux sceptiques, persuadés que cette querelle d'insectes est juste bonne à amuser les petits z'enfants lors d'un goûter d'anniversaire. Voici du biscuit nouveau, à se mettre sous la dent pour démarrer l'année !

Inutile de tourner autour du mot : maître François Mougenot, sur la scène du Petit Hébertot perché, nous offre l'un des spectacles les plus juteux du moment. Il fallait une bonne dose de culot et l'esprit fécond pour tenir en son bec l'immémoriale fable de La Fontaine, la décliner à tous les temps et sur tous les tons à la manière de nos plus grands auteurs. Pas du genre à compter, le père Mougenot s'est amusé à écrire un recueil de quarante pastiches (éd. Edite 2006), qui devrait être distribué dans tous les collèges.

Détournant des scènes fameuses de Molière ("La Fourmisanthrope"), Rostand ("Cygalo de Bergerac"), Racine ("Cigallicus"), sans oublier Feydeau, Du Bellay, Beaumarchais, Hugo, Prévert, Verlaine, Apollinaire, Ronsard, Rimbaud, Baudelaire, Lamartine..., le voilà qui déploie son étourdissante verve de pasticheur. Et que je te mixe les genres et les styles, triturant au passage les codes des séries télé ("Columbo", "Les feux de l'amour"), avant de décaper le tout à l'irrévérrence ! Le procédé en lui-même et sa répétition risquaient d'être lassants. Erreur : diversité des styles, des caractères et des époques, musicalité des textes et finesse stylistique tout est solidement pensé pour faire mouche.

Exemple de remontrance (façon Audiard) de la fourmi flingueuse à l'insouciante cigale : « Y’a six mois, quand l'thermomètre s'affichait franco tendance tropique, tu chantais les « Noces de Cigalo » chez Madame Butterfly.. Moi, pendant ce temps-là, j'ai tellement turbiné que j'ai les glandes sudatoires en dépassement de forfait ! » Une vraie source de jouissance auditive ! Abasourdis par tant de dextérité, les spectateurs amusés se concertent, testant leur connaissance du patrimoine culturel national. Bien plus qu'un chapelet de pastiches littéraires, c'est véritablement une pièce de théâtre en hommage aux auteurs qui ravit le spectateur.

Une chose est sûre : entre François Mougenot et la langue française, c'est une étreinte toujours fertile. Délurée, joyeuse, menée staccato par l'auteur, campant la fourmi, et son frère Jacques Mougenot dans le rôle de la cigale (par ailleurs, auteur des couplets musicaux et metteur en scène du spectacle), cet exercice de transformisme verbal suscite rire et réflexion. De quoi subsister jusqu'à la prochaine saison...

Le Point

Dans la petite salle du Théâtre Hébertot, François Mougenot, en fourmi, le regard sombre et calculateur, et son frère Jacques, en cigale, l'air rieur et enjoué, interprètent la célèbre fable de Jean de La Fontaine.

Mais les deux excellents comédiens ont une façon bien particulière de réciter la moralité, immédiatement parodiée, comme son auteur lui-même qui, d'après les pasticheurs, ne connaissait rien au fameux bestiaire dont il vantait les qualités. La fable leur sert ensuite à décliner des variations sur le même thème de textes tout aussi connus, récrits dans le style d'un autre auteur.

Sont ainsi détournées les scènes de Molière (« La fourmisanthrope »), et Rostand (« Cigalo de Bergerac »), de Racine (« Cigaliccus »), et Feydeau (« Un grain à la patte »), de Shakespeare (« Un compte d'hiver ») et Beaumarchais (« La froide journée »)... Un exercice de style savamment orchestré mais plutôt réservé aux lettrés. A saluer les hilarantes parodies d'Audiard (« Les fourmis flingueuses ») ou de Pagnol (« Cigalou »), que chaque spectateur peut reconnaître.

Audrey Lévy