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Le Figaro

Une bonne surprise, une bonne rencontre ! Un comédien qui sait inventer et dire, qui a de l'imagination et de l'humour, qui écrit bien, qui sait conduire un récit, et qui présente sans esbroufe un one-man-show très imprévu. Il s'appelle Jacques Mougenot.

Qu'il se raconte, qu'il nous prenne à témoin de ses amours enfantines, qu'il dérape dans l'étrange, le fantastique, rien de ce qu'il nous offre n'est indifférent. Il a en lui l'étoffe d'un romancier, d'un nouvelliste, il nous tient en haleine, il aime jouer avec les mots, il est à l'aise sur la scène. Bref, il fera son chemin. Comme il est jeune, sympathique, qu'il ne se hausse pas du col, qu'il ne cherche pas midi à quatorze heures, il risque de passer inaperçu. Ce serait dommage. Jacques Mougenot a des dons. Il lui reste encore à prendre quelques libertés avec le langage, à tracer sa silhouette d'un trait plus accusé, à se faire reconnaître d'un coup d'œil. C'est affaire de contact avec le public. Mais déjà quelqu'un s'annonce, et qui mérite qu'on vienne l'épauler. Un conteur né.

Pierre Marcabru
26 novembre 1986

7 à Paris

Jacques Mougenot fait son show. Le titre est abscons, et l'homme inconnu. Pénétrant dans l'antre du Lucernaire, je me demandais ce que j'allais faire dans cette galère, pilotée de surcroît par un acteur isolé. Je déteste les « one man shows », convenus, jusque dans la provocation.

Mais avec ses histoires de fleur de lune hallucinogène, et de puceau séducteur, Jacques Mougenot fait basculer dans son monde le plus sceptique des publics, s'il a, un jour, été enfant. Chaque fois que la lumière s'éteint, on jure que l'on ne nous y prendra plus. Et chaque fois, malgré soi, on se laisse entraîner dans sa ronde, parfois drôle, parfois touchante, toujours poétique. Jacques Mougenot a une manière de déshabiller son coeur en public qui tient de la séduction déloyale. C'est même presque gênant pour lui ; le spectateur hésite à se croire voyeur ou psychanalyste. Seul rempart à la pudeur : la richesse de son vocabulaire. Un plaisir d'autrefois. Salieri critiquant la musique de Mozart disait : « trop de notes ». Le journaliste branché, face à Mougenot, écrirait « trop de mots ». Est-ce à dire que l'élégance est incompatible avec les formules chic ou choc ? Que nenni. A vingt-huit ans Mougenot est là pour en témoigner. Il joue sur ses phrases avec la tendresse d'un Prévert et la fausse naïveté d'un petit Nicolas. Et les mots, complices, entrent avec bonheur dans son jeu.

Isabelle Cazes
26 novembre – 2 décembre 1986