Vous reprendrez bien une petite chanson ! Les couplets sont une tradition du vaudeville. Ils lui appartiennent aussi naturellement que les portes qui claquent.
Mais pour cette nouvelle production des Fiancés de Loches, Hervé Devolder, qui signe les musiques et la mise en scène, et Jacques Mougenot, qui a accroché au long des portées des vers de mirliton aussi frais qu’amusants, nous offrent une véritable comédie musicale, enlevée et très efficace. Disons-le d’entrée : ceux qui aiment, dans les Fiancés de Loches, comme dans toutes les pièces de Georges Feydeau en général, ce qu’il y a d’inquiétant, de cauchemardesque, de fou, ne retrouveront sans doute pas toute la noirceur épouvantable (mais irrésistible pourtant) de la pièce originale. Ici, on va vite et l’on ne cesse de chanter. Seul ou en chœur, seul et en chœur ! Les deux architectes de cette nouvelle version en ont conservé la structure, le développement et des parties de dialogues. D’ailleurs, sans les offenser, si le public ne cesse de rire, il ne s’amuse jamais autant que sur les répliques même de Feydeau. Dans un décor malin de Jean-Michel Adam, les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz ont tout ce qu’il faut d’éclat, les coiffures et les postiches ajoutent au burlesque et les chorégraphies de Catherine Arondel sont vives et bien cadencées. A l’arrière du décor, trois musiciens jouent en direct : Thierry Boulanger (en alternance avec Daniel Glet) au piano, Marianne Devos au violon, Benoît Dunoyer de Segonzac à la contrebasse. Ils donnent le rythme et parfois surgissent à vue. La musique ressemble un peu trop à celle que l’on a l’habitude d’entendre ces temps-ci sur les plateaux, mais qu’importe, elle est entraînante et les chansons ne sont pas compliquées. Les comédiens s’en donnent à cœur joie. Le trio des Gévaudan, ces petits-bourgeois de Loches qui, « montés » à Pris pour trouver l’âme sœur, se retrouvent engagés comme domestiques chez un médecin, sont excellents (Christine Bonnard, une nature, Franck Vincent, de l’autorité, et un Arlequin bondissant, Adrien Biry-Vicente). Le docteur lui-même est un parfait flandrin (Arnaud Denissel, qui s’amuse). Sa sœur se grise (Claudine Vincent, épatante), sa fiancée s’aveugle (Clara Hesse, un peu pâle). Saluons Plucheux et Séraphin, indispensables (les parfaits Patrice Latronche et Fabrice Fara). Tous sont emportés par une tornade, une Mademoiselle sans-Gêne que Feydeau a voulue survoltée et qui ne peut l’être plus (à croquer, mutine et manipulatrice idéale, Charlotte Filou). Tout ce beau monde finit sous les douches du « Louvre Hydrothérapique », mais sans perdre son souffle, ni sa joie de chanter.
Armelle Héliot