L'action se déroule dans un premier temps au bord d'un canal, deux hommes portent un sac très très lourd, ils s'arrêtent quelques instants pour se reposer, et puis après avoir devisé gentiment de choses et d'autres, de la vie, etc... ils décident finalement de s'arrêter définitivement en cet endroit. [...] La situation est complètement loufoque.
Noelle. Y’a de l'eau sur la scène ?
SM. Non, non, en fait le décor est très très simple, réduit à sa plus simple expression, une moquette, un fond noir, mais ils décrivent suffisamment les lieux pour qu’on s'y croie tout à fait, simplement y'a une petite bande-son très légère dans le fond...
N. Qui fait glou-glou ?
SM.Qui fait un petit peu glou-glou, on entend quelques cigales...
N. C'est dans le midi ?
SM.La situation est loufoque parce que, en tout cas, ces deux personnages sont complètement sereins, tranquilles, ils plaisantent même de leur funeste avenir jusqu'au moment où le troisième arrive. Un troisième candidat au suicide, il vient de se rater quelques instants auparavant, il est évidemment très triste [...] Les trois vont cette fois réussir leur suicide et ils se retrouvent « quelque part », là c'est la deuxième partie, un deuxième lieu.
N. Après la mort ?
SM.Après la mort. Alors c'est un endroit qui ne les satisfait pas du tout, Noelle, une sorte de néant. Y’a personne, une sorte d'univers sans besoins ni désirs, vraiment désespérant.
N. C'est pas bien.
SM.Jusqu'au moment où le troisième suicidé, le troisième personnage, va leur faire comprendre que ce lieu est peut-être, peut-être le Paradis, [...]
N. Qui est-ce qui a écrit ça,Stéphane ?
SM.C'est Jacques Mougenot, qui interprète également un des personnages dans ce spectacle. Un spectacle qui est en fait une sorte de... une espèce de conte, de fable moderne pour enfants et pour adultes, c'est pas du tout morbide, c'est sans prétentions pseudo-philosophico-barbantes sur la vie, la mort, tout ça.
N. C'est drôle ?
SM.En tout cas, oui, c'est drôle, c'est tendre, c'est jamais cynique, c'est très très intelligemment écrit, une très jolie langue (c'est assez rare pour pouvoir le souligner), c'est interprété sans esbroufe, simplement, beaucoup de sincérité et de finesse, on peut y emmener les enfants, moi je suis persuadé que de 7 à 97 ans on peut être passionné, à des degrés divers, par cette histoire et cette aventure. C'est un adorable moment de théâtre, vraiment, dont moi je suis sorti charmé.
N. Donc, la carpe de qui déjà ?
SM.« La carpe du duc de Brienne » de Jacques Mougenot, mis en scène par Jean-Pierre André, avec Jacques Mougenot, Frédérick Le Houx, Philippe Le Gars. C'est au Petit Montparnasse jusqu'au 28 Février, je vous assure, allez-y de ma part, vraiment, vraiment un bon moment de théâtre.
France Inter. « Aresenic et Bouts de Ficelle »
Dimanche 31 janvier 1993, 17h30.