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RECOMMANDATION

En priorité *****

Même si vous n'aimez pas Proust, allez voir Jacques Mougenot. il y a beau à parier qu'il vous donnera envie de vous plonger dans son œuvre.

THÈME

Comment appréhender Proust ? Sa vie est marquée par la maladie qui l'empêcha de pouvoir en profiter à sa guise. Son œuvre magistrale, publiée en trois volumes dans la Pléiade, effraie par la longueur de ses phrases et l'éclatement de l'intrigue.

Proust, sa vie, son œuvre : connaître sa première pour comprendre la seconde ; cette véritable course contre la maladie qui ne lui laisse pas de répit pour concevoir, écrire et modifier inlassablement « À la recherche du temps perdu », dont on dit qu'il est le premier roman moderne.

POINTS FORTS

  • Jacques Mougenot attaque son sujet en douceur ; après quelques phrases de Proust comme mise en bouche, il fait appel à Stefan Zweig : en quelques pages construites comme un thriller, il nous raconte la jeunesse dorée, la vie futile dans les salons, la mort de sa mère et la découverte de la maladie incurable qui le gagne petit à petit, la rédaction acharnée jour après jour de son grand œuvre jusqu'à sa mort à 51 ans.
  • Puis il fait appel à Paul Morand qui raconte la visite nocturne que lui fit Proust et décrypte la phrase proustienne. Sa plongée au cœur du style de son « confrère » est drôle et étincelante. Il décortique son style pour en expliquer la construction, le rythme et la signification.
  • Enfin, il convoque Jean Cocteau qui, en quelques aphorismes brillants, nous livre souvenirs et anecdotes, révélatrices de leur amitié et de son admiration.
  • André Gide, qui avait commencé par refuser de publier Proust chez Gallimard, avant de se rattraper en le défendant toute sa vie, conseillait de lire Proust à haute voix. Jacques Mougenot s'en inspire, en mieux : il ne lit pas, mais dit Proust. Et par la magie d'une interprétation toute en finesse qui s'efface derrière les mots (là où Lucchini se les approprie à son avantage), nous montre comment, en dépit de ces phrases interminables, la pensée de Proust est simple, lumineuse et accessible à tous. Mougenot met son talent au service de Proust et le grandit encore en nous le rendant plus familier.
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POINTS FAIBLES

  • Le comédien a choisi trois textes, représentatifs, symboliques même, de « la recherche ». Le premier extrait (les premières phrases du premier livre « du côté de chez Swan ») qui commence par « longtemps je me suis couché de bonne heure ... » et le troisième qui raconte l'histoire de « la petite madeleine » sont indiscutables. Le deuxième parle à nouveau de la relation avec sa mère à l'époque de son adolescence. Peut-être un texte sur une autre période et un autre univers (une description de Charlus ou de Bergotte, une soirée chez les Verdurin) aurait-il complété avantageusement les deux autres.

 

EN DEUX MOTS ...

J'ai lu la Recherche un été, que j'ai passé alité. Je n'avais jamais encore fait le rapprochement, que je l'avais lu dans la position dans laquelle Proust l'a écrite. Dans sa chambre, perpétuellement malade, tout entier à sa tâche ... Et j'ai retrouvé dans les premières phrases dites par Jacques Mougenot, le souvenir très fort de cette époque ... ma madeleine à moi ...

UN EXTRAIT

« Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes — et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot — s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience ».

L'AUTEUR

Je vous renvoie à « Hommes et destins » de Stefan Zweig, qui raconte Proust comme un destin qui s'emballe, un cheval fou enfermé dans une chambre, un malade que la maladie gagne sans espoir de rémission, un génie d'une intelligence, d'une acuité, d'une sensibilité hors normes, qui a construit une œuvre sans équivalent. Le magazine « Lire » vient également de sortir un hors-série à l'occasion des 100 ans du prix Goncourt, donné à Proust en 1919 pour « A l'ombre des jeunes filles en fleurs ».